15’000 kg de déchets plastiques sont déversés dans les océans chaque minute. En 2050, ces derniers devraient contenir une masse de plastiques plus importante que celle des poissons. En Suisse, nous sommes souvent convaincus d’être des modèles en termes de gestion des déchets. Hélas, cela tient surtout à une époque révolue et quelques légendes urbaines persistantes. Les enjeux prioritaires liés aux déchets en Suisse ont évolué et sont bien réels pour les entreprises. Heureusement, des leviers d’action permettant d’agir à la hauteur de son implication dans la création de déchets sont prêts à être actionnés. Observons lesquels.

Résumé de la situation

La tendance est à l’augmentation des déchets dans le monde, mais aussi en Suisse. L’efficience des processus de production s’est souvent améliorée mais ne suffit pas à compenser cette hausse.

Aujourd’hui, chaque Suisse consomme environ 17 tonnes de matières par année (selon l’OFEV) au lieu des 5 à 8 tonnes autorisées par l’équilibre de notre planète, ce qui génère un surplus important de déchets. La complexité des déchets augmente aussi, ce qui rend leur recyclage plus cher et compliqué.

De plus, les déchets posent des problèmes environnementaux et de santé publique. Ils se retrouvent partout et des substances intoxiquent les organismes vivants comme les milieux naturels. L’équivalent d’une carte de crédit de plastique est même ingéré par personne chaque semaine.

Pourtant, les déchets qui finissent à l’incinération ou en décharge représentent un manque à gagner pour les filières de recyclage et un coût pour les entreprises qui les génèrent. En effet, leur recyclage est souvent bien moins cher, voire totalement pris en charge dans le prix d’achat, comme pour l’alu, le verre, le PET ou encore les appareils électriques et électroniques.

Obtenez plus de détails ci-dessous ou atteignez directement les solutions.

Rapide état des lieux

Des déchets croissants

La production mondiale de déchets devrait augmenter de 70% d’ici 2050 si rien n’est fait. En Suisse, 3ème pays européen en termes de poids de déchets par personne, la tendance est aussi à la hausse.

Cela vient d’une augmentation de la consommation, c’est-à-dire de la croissance. En effet, augmenter la consommation signifie davantage de matières premières à l’entrée de la chaîne de valeur et plus de déchets à la sortie (cf. graphique ci-dessous). On assiste aussi à un accroissement conséquent du stock de matériaux immobilisés. Il a été calculé que pour chaque habitant en Suisse, on augmente ce dernier de 6,7 tonnes par année.

Cela a des impacts au niveau suisse mais aussi international du fait des importations de biens (qui ont d’ailleurs générés des déchets tout au long de leur processus de fabrication) et de l’exportation de déchets. Trois éléments peuvent déjà être mis en évidence ici :

  1. Le besoin de gagner en efficience dans les processus de fabrication en amont
  2. La nécessité d’augmenter le tri (à la sortie)
  3. L’attention devant être portée à la préservation des espaces naturels détruits ou dégradés par l’augmentation massive du stock construit (immeuble, voiture, etc.).

Des efforts effectifs mais aujourd’hui insuffisants

Les déchets urbains, qui incluent notamment les ordures ménagères, de bureau et des PME, se placent à la 2ème place, après les déchets issus de la construction. Ces déchets urbains ont été multipliés par 3,2 entre 1970 et 2020, passant de 1,9 million de tonnes à 6,1 millions de tonnes en 2020. Ils ont largement augmenté pour se maintenir au niveau pratiquement le plus haut.

Le graphique ci-dessous nous montre toutefois que des efforts ont pu apporter certains résultats. En effet, la politique nationale de gestion des déchets de 1986 a eu un effet important avec une stagnation de la quantité de déchets urbains pendant 10 ans et surtout une augmentation de 83.4% du taux de tri entre 1986 et 1998.

Cependant, elle n’intégrait pas ou mal l’utilisation des matières premières et le bouclement des chaînes de valeur en système d’économie circulaire. Cela n’a donc pas permis d’empêcher totalement l’augmentation de reprendre. C’est surtout le recyclage des matières et la revalorisation énergétique des déchets qui ont été mis en place. Mais la réutilisation des objets a encore beaucoup de peine à se déployer à large échelle, que ce soit par exemple au niveau de la reprise et du lavage des bouteilles et bocaux en verre ou en plastique, la réparation des appareils électriques et électroniques, etc.

Plus important encore, seul un petit 53% des déchets sont recyclés aujourd’hui contre 44% en 1998, démontrant une très faible progression du taux de tri.

Une complexification des déchets

D’un côté la quantité des déchets croît, mais de l’autre ces derniers se complexifient également, rendant leur revalorisation plus chère et compliquée. Cela est par exemple dû aux emballages composites ou aux combinaisons de plusieurs matériaux même dans des objets simples. Les bases légales sont encore très faibles à ce sujet et les volontés politiques restent très timorées pour le développement efficace des circuits courts et donc une augmentation du travail à l’échelle locale.

 

Le problème grandissant des déchets spéciaux

Les déchets spéciaux aussi suivent une tendance à la hausse. Les déchets chimiques, minéraux contenant des polluants (amiante, PCB , etc.) et les résidus de traitement représentent une très large partie de ces déchets et sont relativement stables ou sont en légère décroissance. Toutefois, les déchets médicaux ont augmenté de 69% et les déchets spéciaux urbains et collectés séparément ont explosé de 1’335% entre 2009 et 2021.

 

Les déchets électriques et électroniques pas en reste

Les appareils électroniques comme les ordinateurs dont le recyclage pose souvent problème, notamment lors de leur exportation dans les pays où les normes de sécurité ne sont pas respectées.

Conséquences sur la santé et les écosystèmes

Des déchets dans la nature

L’utilisation de ressources non renouvelables engendre de fortes pressions sur l’environnement, à l’image des 14’000 tonnes de déchets plastiques rejetées chaque année dans la nature en Suisse. Que ce soit dans les sols, l’eau ou les sédiments, on en retrouve partout. Selon le WWF, un humain ingère en moyenne l’équivalent d’une carte de crédit de plastique par semaine.

En raison de leur grande variété de compositions et de caractéristiques, les plastiques sont présents dans toutes les entreprises. La consommation suisse de plastique se situe autour de 1 million de tonnes par année et l’élimination de celui-ci à ~780’000 tonnes par année.

Les pollutions liées aux déchets peuvent aussi être toxiques et contaminer l’air, les sols, les aquifères, les cours d’eau et les nappes phréatiques avec des conséquences pour l’humain et la biodiversité.

 

La question épineuse de l’incinération

Du côté de l’incinération, plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, les émissions de CO2 – qui sont intégrées au secteur de l’industrie (cf. la partie rayée dans le graphique ci-dessous) – montrent une tendance à la hausse alors qu’elles devraient baisser.

Ensuite, ce processus d’élimination génère aussi des mâchefers. Ces résidus de combustion contiennent des métaux et d’autres polluants, par exemple à cause des piles et des batteries qui n’auraient pas dû se trouver dans les déchets incinérables. On considère que chaque tonne de déchets qui entre dans une usine d’incinération laisse encore 250 kg de mâchefers qu’il faudra stocker indéfiniment dans des décharges spéciales.

Malheureusement concernant ce stockage, presque toute la Suisse romande affiche complet et il est très compliqué de trouver de nouveaux sites car personne n’en veut. En effet, ces nouvelles décharges prennent souvent la place de précieuses terres agricoles.

En un coup d’œil, Genève et le Valais sont déjà pleins. Berne est dans une situation d’urgence environnementale. Fribourg a récemment fermé un site. Vaud sera saturé d’ici fin 2024. Seul le Jura a encore un peu de place pour accueillir ces déchets qui parcourent donc de plus longues distances.

Une perte d’argent additionnée à un manque à gagner

L’incinération des déchets a un coût bien plus élevé que le recyclage. En effet, une tonne de déchets à incinérer coûte environ CHF 300.- alors que la collecte du PET, du verre, des déchets électriques et électroniques (piles et batteries comprises), de l’aluminium est généralement gratuite notamment grâce à la taxe anticipée de recyclage (TAR).

Finalement, de nombreux composants peuvent être réutilisés en réduisant considérablement la consommation d’énergie, en plus des autres avantages pour l’environnement. Par exemple,:

  • le recyclage de l’alu réduit jusqu’à 95% l’énergie pour le produire et évite 9 kg de CO2 par kg d’alu ;
  • le recyclage du PET réduit de 74% les impacts sur l’environnement par rapport à une incinération et éviter l’émission de 138’000 tonnes de gaz à effet de serre en Suisse.

Notons encore une fois que bien que le recyclage doive être encouragé, la meilleure solution reste la réutilisation. Des systèmes à grande échelle pourraient être mis en place par exemple grâce au lavage de contenants consignés. Laver une bouteille en verre, même à 90-100°C, consomme infiniment moins d’énergie que de refondre du verre à près de 1’600 degrés.

Quelles solutions mettre en place dans les entreprises ?

Comme beaucoup de déchets sont générés dans les entreprises, celles-ci ont bien sûr une responsabilité et un pouvoir d’action importants. Elles représentent également un lieu extrêmement pertinent pour sensibiliser le personnel et transmettre des bonnes pratiques.

De plus, des solutions existent tout au long de la chaîne de valeur. Toute entreprise devrait donc trouver des mesures qui conviennent à son contexte.

Pour mettre en place un plan de réduction des déchets efficace, il est important de commencer par un état des lieux, tant comme fabricant que comme consommateur de produits ou services générant directement ou indirectement des déchets.

Par la suite des solutions propres à votre environnement pourront être identifiées, planifiées et mises en place de manière optimale. Celles-ci peuvent intervenir aux niveaux suivants:

 

Réduction de la production de déchets en amont ou en aval de la chaîne de valeur

Les entreprises vendant des produits, mais parfois aussi celles de services, peuvent réduire les déchets par exemple en évitant le suremballage et en choisissant les matériaux faciles à réutiliser ou à recycler, en supprimant les composés inutiles, en réduisant le volume des matériaux de leurs produits, en proposant des emballages réutilisables, etc.

Les produits vendus peuvent aussi être conçus de manière à durer plus longtemps, être plus facilement réparés et à être plus facilement revalorisés pour une nouvelle utilisation. Il s’agit là de penser « économie circulaire ».

Le modèle d’affaire peut aussi être revu ou complété par un service de location qui permettrait de partager les biens en s’adressant aux personnes et entreprises soucieuses de l’environnement.

 

Réduction de la production de déchets liés la consommation

Les produits et services achetés peuvent être sélectionnés en faisant attention à leur durée de vie et leurs composants.

Le suremballage peut aussi être réduit en évitant certains fournisseurs ou en collaborant avec eux pour choisir des emballages réutilisables à leur retourner.

D’autres éléments peuvent aussi ne pas être indispensables et être simplement supprimés des achats ou remplacés par des alternatives durables.

Bien connaître les équipements déjà disponibles dans l’entreprise (inventaire partagé), permet de mieux les exploiter plutôt que d’en acquérir davantage. Cette approche peut évidemment s’étendre aux entreprises voisines.

 

Mise en place ou optimisation du système le tri

Un bon système de tri permet aussi une gestion plus rapide des déchets, par exemple en cas de remplacement total des poubelles individuelles par des centres de tri placés de manière stratégique. Il est également capital que l’équipe de nettoyage soit formée et sensibilisée afin qu’elle respecte les processus d’élimination et de tri.

 

Suivi des déchets spéciaux

Concernant les déchets spéciaux, il est important de s’assurer qu’ils sont triés et éliminés de manière conforme aux réglementations et aux circuits de recyclage en vigueur.

 

Gestion des déchets électriques et électroniques

Par ailleurs, il peut être possible de prolonger la durée de vie des appareils électroniques en les utilisant plus longtemps ou en le revendant aux collaborateurs. Il est alors important d’informer les acheteurs des bons comportements d’élimination.

 

Éduquer et sensibiliser

Bien que les Suisses et Suissesses soient soucieux de la protection de l’environnement et relativement engagés dans les challenges à relever, il est important de contribuer à maintenir et développer un haut niveau de conscience pour que l’ampleur des défis et des responsabilités soient bien perçues. Il sera ainsi possible de faciliter un plus grand passage à l’action rapidement.

 

Comment mettre sur pied son concept de gestion des déchets ?

Concrètement, il se peut que votre organisation dispose déjà d’une personne à même d’identifier vos besoins dans ce domaine. Autrement, il peut être judicieux de faire appel à des experts. Et là, principalement deux approches s’offrent à vous.

D’un côté, il peut être intéressant d’opter pour une formation-accompagnement car vous renforcerez les compétences internes, ce qui vous apportera une plus grande autonomie à long terme. Par ailleurs, former votre personnel a l’avantage d’allier les nouvelles compétences aux connaissances de leur environnement de travail. Cela peut être intéressant pour le choix et la mise en place des améliorations.

D’un autre côté, réaliser un audit a de nombreux avantages comme la qualité des données transmises dans le rapport et la pertinence de l’analyse. De plus, les recommandations d’expert pourront grandement faciliter le choix des mesures à intégrer dans un plan d’action.

Bien sûr, ces approches sont complémentaires. Intégrées ensembles, elles devraient permettre la mise en place d’un concept de gestion des déchets particulièrement adapté au contexte de votre organisation. Ce choix dépend notamment des compétences internes actuelles et du temps à disposition.