Loi sur le CO2, ordonnance sur le CO2, LCl et OCl, comment se dessine le nouveau cadre réglementaire climatique suisse ?

Synthèse des nouvelles réglementations pour les entreprises en Suisse

La Suisse s’est engagée dans l’Accord de Paris en 2015 à faire sa part pour maintenir le réchauffement climatique global bien au-dessous de 2°C d’ici 2100. Dans ce but, le gouvernement précise actuellement la stratégie fédérale de protection du climat, en définissant notamment les objectifs suivants:

Au niveau global de la Confédération:

  • -50% des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990,
  • -75% des émissions de GES d’ici 2040, avec des émissions annuelles inférieures de 64% en moyenne par rapport à 1990, entre 2031 et 2040,
  • -89% des GES d’ici 2050 et des émissions « net-zéro ».

Pour les entreprises, l’objectif 2050 est aussi d’atteindre le « net-zéro » tout comme pour la Confédération. Des objectifs sectoriels et à court et moyen termes sont aussi précisés:

 

  2030 2040 2050
Bâtiments 50% 82% 100%
Transports 25% 57% 100%
Industrie 35% 50% 90%
Autres 25% n.a. n.a.

Attention, ces objectifs ne sont pas par branche économique, mais par secteur d’émissions de GES. Cela signifie par exemple que toutes les entreprises doivent réduire leurs émissions liées au bâtiment d’au moins 82% d’ici 2040.

Loi sur le CO2

Cette nouvelle et 3ème loi sur le CO2 donne le contexte général dans lequel les entreprises notamment devront évoluer. Les obligations de réduction du pays ainsi que des opportunités de financement pour les entreprises sont précisés.

La loi, qui entre en vigueur au 1er janvier 2025, indique que les émissions de CO2e de la Suisse devront être réduite de 50% en 2030 par rapport à 1990. Une baisse de 24% a déjà été atteinte en 2022, ce qui montrent que les actions portent leurs fruits. Toutefois, de gros efforts sont encore à fournir.

De plus, entre 2021 et 2030, les émissions annuelles doivent en moyenne être inférieures de 35% par rapport à 1990. Cela signifie que les réductions de GES:

  • Doivent intervenir rapidement,
  • Peuvent s’étaler sur l’ensemble de la période jusqu’à 2030,
  • Et ne surtout pas être effectuées en bloc à la veille de 2030.

Ensuite, cette nouvelle loi intègre plusieurs mécanismes de soutien ou d’investissement pour:

  • Améliorer l’efficience énergétique et le chauffage durable des bâtiments,
  • Encourager le développement des énergies renouvelables (45 millions),
  • Favoriser le développement de technologies pour réduire les GES (25 millions),
  • Réduire les émissions de l’aviation et développer les grandes lignes ferroviaires,
  • Financer les mesures d’adaptations et décarboner les entreprises soumises au système d’échange de quotas d’émissions,
  • Exonérer de taxe sur le CO2e les exploitants d’installations s’engageant à réduire leurs émissions.

 Ces financements passent par divers programmes fédéraux et cantonaux.

 

Ordonnance sur le CO2

Le rapport explicatif sur l’ordonnance sur le CO2 indique les objectifs sectoriels de réduction des émissions de GES, en reprenant aussi les objectifs de la loi sur le climat et l’innovation résumés par après:

 

 

État en 2022

Objectifs 2030

Objectifs 2040 selon LCI

Objectifs 2050 selon LCI

Bâtiments

-44%

-50%

-82%

-100%

Transports

-8%

-25%

-57%

-100%

Industrie

-27%

-35%

-50%

-90%

Autres*

-13%

-25%

n.a.

n.a.

*La catégorie « Autres » intègre l’agriculture, les déchets et les émissions de gaz synthétiques.

Il est intéressant de voir dans le graphique ci-dessous que les réductions ne sont pas linéaires. Cela peut permettre de développer de nouvelles technologies, mais il reste judicieux d’anticiper les objectifs pour 2040 et 2050.

En effet, répartir les investissements et les efforts dès aujourd’hui réduira le risque de se retrouver au pied du mur, quand l’augmentation des prix et l’indisponibilité de la main d’œuvre pour certains travaux comme la rénovation des bâtiments auront pu se manifester.

Loi sur le climat et l’innovation (LCl)

La LCl clarifie que les entreprises doivent aussi atteindre le « net-zéro » avec leurs émissions et complète les objectifs nationaux intermédiaires après 2030, ainsi que les objectifs sectoriels, toujours par rapport à 1990:

  • Entre 2031 et 2040: -64% en moyenne,
  • D’ici 2040: -75%,
  • Entre 2041 et 2050: -89% des émissions et l’utilisation de technologies biologiques et techniques de captation des émissions résiduelles.

Après 2050, les captations de CO2e doivent être plus importantes que les émissions du pays. Les réductions doivent se faire autant que possible en Suisse, sans qu’il soit précisé dans quels proportion.

Ensuite, des objectifs sont définis par secteur:

  • Pour le bâtiment: -82% d’ici 2040 et -100% d’ici 2050,
  • Pour les transports: -57% d’ici 2040 et -100% d’ici 2050,
  • Pour l’industrie: -50% d’ici 2040 et -90% d’ici 2050.

À nouveau, il ne s’agit pas d’objectif pour des branches économique, mais bien par secteur d’émissions de gaz à effet de serre.

De ce fait, une entreprise de service devra suivre les objectifs pour:

  • Les bâtiments: chauffage, électricité, etc.
  • Les transports: les véhicules de l’entreprises.
  • Les activités industrielles.

Concernant les moyens pour atteindre ces objectifs, la LCl encourage la réalisation de feuille de route de décarbonation, par entreprise ou par branche économique (métallurgie, construction, service, etc.).

Certains soutiens financiers sont aussi prévus pour soutenir les entreprises dans la réduction de leurs émissions.

 

Ordonnance sur la protection du climat (OCl)

L’OCl est en consultation et doit entrer en vigueur au 1er janvier 2025. Elle définit que les feuilles de route contiennent au moins:

  • Un bilan de GES avec toutes les émissions directes et indirectes (donc pas forcément toutes les émissions en amont et en aval du scope 3, bien que cela soit fortement recommandé),
  • Un descriptif des installations et des processus émettant des GES,
  • Une présentation des mesures techniques de réduction des émissions,
  • Une explication sur les moyens de captation du CO2e,
  • Des mesures de réduction des GES ou faisant appel à des technologies d’émission négatives (NET) qui permettront d’atteindre les objectifs,
  • La trajectoire de réduction des émissions directes et indirecte (scopes 1 et 2),
  • La trajectoire des compensations effectuées avec des NET en Suisse et à l’international, au plus tard à partir de 2050.

Des feuilles de route peuvent être établies par branche. Celles-ci doivent répondre aux mêmes prérogatives que ci-dessus, à l’échelle de la branche. Pour le premier point, le bilan de GES est remplacé par un calcul de répartition des émissions entre les scopes 1 et 2 (émissions directes et indirectes).

Les mesures planifiées dans la feuille de route doivent être accompagnées de:

  • Leur description précise,
  • Une estimation de leur coût,
  • La planification dans le temps,
  • Pour entreprise, le calcul de la réduction visée en CO2e et en énergie (kWh),
  • Pour les secteurs, une estimation des réductions en pourcents.

 

Incertitudes

Plusieurs incertitudes persistent concernant:

  • Le périmètre des bilans de GES,
  • La méthodologie pour définir les trajectoires de réduction pour les entreprises,
  • Les sanctions encourues en cas de non-atteinte des objectifs,
  • La prise en compte du scope 3 qui reste floue,
  • Les modes de calcul de l’Office fédéral de l’environnement encore peu établis.

Toutefois, au vu des efforts à fournir pour une grande partie de entreprises, pour se conformer à ces nouvelles réglementations, il paraît judicieux de choisir les normes et les méthodologies exigeantes, ne serait-ce que pour ne pas risquer que les stratégies établies soit invalidées par de futures précisions.